vendredi 10 février 2017

Critique Les putes voilées n'iront jamais au paradis Chardortt Djavann

J'ai longtemps hésité avant de me lancer dans la lecture de ce livre de Chahdortt DJAVANN.

Tout d'abord, parce que le titre Les putes voilées n’iront jamais au paradis, n'était, à mes yeux, qu'une provocation permettant à l'auteure de piquer la curiosité des lecteurs, une manière de créer le "buzz" dans le monde littéraire.

Ensuite, parce que je croyais savoir ce qu'était la prostitution, sans qu'il n y ait besoin qu'un livre soit consacré à ce thème, vieux comme le monde. Je pensais aussi savoir qui sont ces femmes qui ont recours à cette activité et dans quel but.

J'ai alors réfléchis. Et j'avoue  avoir été interpellée, intriguée voire fascinée par ce titre. Comment une prostituée pourrait-être voilée ? Et en quoi, un voile serait-t-il un gage de vertu, de foi, un sésame pour le paradis  ? Et vice et versa, pourquoi une prostituée ne pourrait-elle pas avoir la foi et peut-être même accéder au paradis ?

Suite à l'interpellation de ma réflexion, j'ai donc entrepris la lecture de cet ouvrage, ô combien douloureux et brutal.

Dans ce livre, il est, bien entendu, question de prostitution mais il est aussi et surtout question de la condition de la femme. Réduite à un statut de "prostituée" dans une société iranienne ou la femme n'est qu'un corps, dénué d'âme, de sentiments, d'aspiration et même de vie. Un corps bien souvent froid au service d'une société patriarcale, où la femme n'a aucune considération.
L'auteure navigue entre narration pure et témoignages. Le récit est glaçant, cru et sans aucun édulcorant, donc à des moments assez insupportable. On comprend aisément le parti pris de l'auteure, montrer la vérité vraie, du moins sa vérité vraie et celle des femmes concernées. Elle propose au lecteur de le mettre en immersion dans un monde dure afin de le comprendre et peut-être, le condamner, le dénoncer.

Les deux personnages principaux sont Zahra et Soudabeh, deux amies d'enfance que la vie à séparées mais qui se retrouveront sans le savoir dans ce même triste destin de prostituée. L'une est prostituée et l'autre Sigheh, épouse d’intérim , pratique chiite, courante en Iran qui consiste à utiliser sexuellement une femme contre de l'argent, pour quelques heures ou même quelques mois, aucun mariage n'est contracté mais les rapports sont dits "légaux" et différents de la prostitution... En réalité, une couverture pour ne pas dire "prostitution". Je cite l'une d'entre elle : "Si je voulais encore quelque chose, ce serait un gros câlin ... Personne ne m'a jamais prise dans ses bras."

Ce livre nous plonge dans un monde de paradoxes, d'hypocrisie de la part des détracteurs de ces prostituées qui les utilisent puis les condamnent et les lapident par la suite. La société iranienne et ses nombreuses facettes. Une société vue par une iranienne et le constat de cette dernière est sans appel... Selon elle, l'Iran est un pays corrompu où les iraniens crachent dans la même soupe qui les nourrit. Puisque comble de la misère, on apprend que ces femmes qui se prostituent le font la plupart du temps, pour subvenir aux besoins d'un père, d'un frère ou d'un mari toxicomane ou chômeur...

Même si tout ce qui est abordé est férocement révoltant, un discours plus nuancé aurait permis une vision plus optimiste quant à l'Iran de demain  a qui on pourrait souhaiter une évolution des mentalités...

En somme, un livre intelligent, avec des femmes aussi sensibles qu'attachantes, qui ont eu la malchance de naître en Iran, société où tous les vices sont permis mais où ils sont lourdement condamnés ... Le sort tragique de ces femmes vous est conté sans détour !








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